5 aspects du pouvoir de l’esprit (Yi)

Publié le : 06 août 202115 mins de lecture

Tous les arts martiaux, et en particulier le Taiji Quan, sont basés sur le développement harmonieux de ce que les maîtres appellent le principe des « Trois Pouvoirs » ou des « Trois Harmonies », à savoir : le pouvoir de l’esprit, le pouvoir de l’énergie et le pouvoir du corps. Le pouvoir de l’esprit (Yi) se manifeste en tant qu’idée, attention, intention et volonté consciente (Yi Nian). Mais le Yi se manifeste également en tant que conscience, éveil et intuition (Yi Shi).

Il ne s’agit pas d’un exercice intellectuel inutile, mais au contraire, c’est une étape nécessaire, car le Taiji est un art extrêmement raffiné et il ne se limite pas au domaine martial, mais le transcende. La signification que les maîtres chinois donnent au terme Yi est très complexe et implique de manière interactive l’esprit, dans ses nombreux aspects, et le corps, avec ses potentialités. Le yi est l’alpha et l’oméga, il est le début et la fin, il est la lumière qui illumine l’esprit. Avec le Yi Shi, le praticien entame un véritable processus d’évolution intérieure qui l’implique de manière profonde.

En effet, si le Yi Nian, dans ses différents aspects de volonté, d’attention, de concentration, très utiles dans la vie quotidienne, peut être dépourvu de valeurs spirituelles, le Yi Shi au contraire, impliquant des aspects métaphysiques de l’existence humaine, en est riche. De même que les trois qualités du Yi Nian, communes à tous les êtres humains, sont, selon leur niveau de développement, celles qui font la différence entre l’homme qui réussit, capable de diriger sa vie en la vivant comme un protagoniste, et l’homme vain et peu concluant qui, au contraire, la subit. De même, le développement du Yi Shi (conscience, éveil, intuition) fait la différence entre l’homme qui réussit et qui ne se fixe aucun objectif spirituel (un grand champion sportif, un homme d’affaires prospère ou un scientifique célèbre sont tous des exemples de personnalités qui ont développé un bon niveau de volonté, d’attention et de concentration) et l’homme qui, au contraire, fait de la transformation intérieure et de l’amélioration de soi le but de sa vie, en élargissant sa conscience au-delà des limites de la réalité fictive de l’Ego.

Conscience

Ce qui différencie l’être humain des autres êtres vivants est la conscience. Non seulement il sait et sent qu’il existe, mais il en est conscient. Fondamentalement, il existe deux états fondamentaux de la conscience : un état biologique, commun à tous les êtres humains, et un état pouvant appeler métaphysique. Le premier, lié à l’esprit ordinaire, naît des sens et de l’activité de la pensée, sa devise est le « cogito ergo sum » de la mémoire cartésienne ; le second, lié à l’Esprit Universel, est métaphysique et va au-delà de l’activité commune de la pensée. La conscience biologique ou ordinaire, liée à l’ego, est dualiste : ego et inconscient, psyché et soma, sujet et objet, raison et instinct, cœur et cerveau. La conscience métaphysique, au contraire, est le résultat d’une intense phase d’introspection, libre de toute analyse intellectuelle, de toute pensée discursive et de toute conclusion logique, et elle est sans « je ». La conscience métaphysique se développe par la pratique de la méditation et de la pacification de la pensée consciente. De l’harmonisation des pensées au point d’arrêter le dialogue intérieur et d’inverser l’orientation de la vision intérieure de la multiplicité à l’unité, de l’Ego au non-ego, de l’individualité à l’universalité.

Les grandes traditions orientales, parfaitement conscientes de cela, ont élaboré des techniques très sophistiquées pour parvenir à bloquer le « dialogue intérieur », à briser le « cercle vicieux » qui maintient en vie la fausse « perception » du monde et à développer la véritable conscience, qui se manifeste lorsque l’esprit entre dans un état de silence absolu et ne génère plus de pensées. Chacun est conscient de « l’être », sans avoir besoin de penser, pour en être conscient. Faire taire les pensées, bloquer le dialogue intérieur, est l’un des points clés pour accéder à une vision correcte de soi et de la réalité environnante. Le silence intérieur et le vide mental qui s’ensuit, dont parlent les traditions, semblent pour l’homme ordinaire un travail titanesque difficilement réalisable que seuls quelques individus particulièrement doués peuvent atteindre.

En fait, il en est ainsi, il y en a très peu qui réussissent, mais pas tant pour une difficulté intrinsèque du travail, mais plutôt pour une mauvaise approche. Ainsi, très souvent, lorsque les dimensions intérieures sont abordées, c’est vous-mêmes qui, avec vos préjugés mentaux, contrariez vos efforts. L’hypothèse, qui dans votre cas rend la solution impossible, est que par sa structure mentale l’homme occidental est enclin à penser que tout passe par une activité de pensée. Mais penser à ne pas penser ne produit pas le « vide », mais une autre pensée : essayer d’arrêter de penser en pensant à arrêter de penser. C’est une situation absurde et paradoxale, qui ne génère que frustration et douleur, sans issue apparente. Mais comme il arrive souvent, la solution est plus simple que prévu, il suffit d’effectuer un changement en passant à un niveau logique supérieur : le silence est tout simplement hors de la sphère d’activité de la pensée.

Le processus de la pensée est l’une des activités humaines les plus élevées et les plus nobles, mais aussi grande soit-elle, elle est limitée. Le problème est de comprendre qu’elle n’est qu’une des formes infinies de la perception et que rester ancré à sa sphère d’action vous coupe de toutes les autres réalités dimensionnelles. Découvrez donc comment vous pouvez procéder de manière pratique pour rendre possible la réalisation de certains objectifs qui vous permettent de rendre votre esprit plus stable et plus fort. Pour ce faire, vous devez tracer une sorte de chemin en définissant clairement les étapes fondamentales. Le silence intérieur et le vide mental s’engendrent mutuellement dans un flux circulaire autoalimenté. Mais alors que le vide mental est un silence intérieur absolu, parce qu’il y a une absence totale de pensées, la réalisation de l’état de silence intérieur ne présuppose pas automatiquement le vide mental ni n’en est seulement la condition indispensable, mais non suffisante. Pour mieux comprendre, il faut préciser la différence entre le silence intérieur « simple », qui suit la cessation du dialogue interne, et le silence « absolu », qui suit la cessation de l’activité de pensée de l’esprit. La première ne présuppose pas une absence totale de pensées, mais seulement la cessation de leur flux désordonné, chaotique et bruyant. La seconde exige non seulement la réalisation de certaines conditions techniques (cessation du dialogue, silence, blocage de l’activité de pensée, etc.), mais aussi le développement de certaines caractéristiques d’ordre spirituel, sans lesquelles toute technique est complètement inutile. Dans la première phase, il n’est donc pas question de chercher à créer un vide mental, mais seulement à harmoniser l’activité de l’esprit en interrompant progressivement le dialogue interne. Vous ne pensez pas de manière discursive avec des mots, mais avec des images, un peu comme si vous projetiez un film sans son sur l’écran de l’esprit. Dans l’esprit, il y a le silence, mais pas l’absence de pensées : c’est comme dans une vallée de haute montagne, et vos pensées sont comme des oiseaux qui tournent silencieusement dans l’air.

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Sensibilisation

La conscience est communément comprise comme « être conscient de… », mais il s’agit en réalité de quelque chose de plus complexe qui présuppose également un véritable processus de connaissance. Donc, la prise de conscience comme processus dynamique de connaissance qui permet de prendre conscience de quelque chose. Une connaissance, évidemment, qui ne provient pas d’une connaissance exclusivement mentale, intellectuelle et abstraite ; mais d’un ordre différent de connaissance, directe et immédiate, qui provient de l’expérience de tout le corps et de tout l’esprit, une connaissance qui est une pratique active avec tout l’être. Après cette définition générale, vous pouvez parler afin de mieux spécifier les contenus des différents types de conscience qui, bien qu’ayant une fonctionnalité identique, sont différents dans leur centre focal agissant à différents niveaux de développement. Ainsi, vous avez la conscience de la forme du corps (Xing), de l’énergie et de l’esprit-cœur (Xin). La subdivision, étant donné leur interdépendance naturelle, n’est que formelle et non substantielle ; tout problème inhérent à chacun d’eux se répercute sur les autres, de même que toute amélioration consciente. La conscience corporelle, qui est le point de départ qui ouvre la voie aux deux autres, peut être définie comme la connaissance de soi par le corps.

Différenciation et intégration

Sur le plan opérationnel, le praticien doit être attentif à chaque mouvement et position du corps. Il doit affiner de plus en plus sa capacité à percevoir les variations toniques des muscles, affiner encore la sensibilité kinesthésique pour sentir quelles parties du corps trop tendues doivent être relâchées, et quelles parties trop faibles, au contraire, doivent être renforcées. Il doit rendre son corps intelligent et vivant, il doit être capable de différencier la droite de la gauche, le haut du bas, l’avant de l’arrière, le centre de la périphérie. De la différenciation des différentes parties structurelles, il doit pouvoir passer à l’intégration, en harmonisant la droite avec la gauche, le haut avec le bas, et ainsi de suite, dans un apprentissage de plus en plus subtil et raffiné, capable de rétablir l’équilibre dynamique de toute la structure corporelle de manière efficace et économique. Sans le développement conscient de la conscience du corps, il n’y a pas de progrès dans la pratique, car la fusion harmonique entre Yi (pensée consciente), Xing (forme du corps) et Qi (énergie interne) ne crée pas la bonne façon d’agir. Enfin, la conscience esprit-cœur (Xin) est la conscience de ses propres processus mentaux et de ses émotions. C’est une attention continue à ses propres états intérieurs qui développe la capacité introspective de l’esprit à s’observer lui-même, son expérience et ses émotions.

Intuition

La pensée d’un esprit pur est une intuition pure.

Lorsque l’esprit est libre de pensées distrayantes, les sens fonctionnent clairement et de manière ciblée. Lorsque l’esprit est aussi clair et transparent que les eaux limpides d’un lac de montagne, il reflète tout ce qui l’entoure. Cette capacité d’un esprit apaisé à entrer en résonance avec son environnement et à en saisir les nuances subtiles est la base du développement d’une autre caractéristique fondamentale : l’intuition. L’intuition appartient au domaine de l’esprit, et comme elle ne peut être entraînée directement, c’est un fruit qui surgit spontanément lorsque toutes les conditions coïncident. De même qu’un agriculteur ne travaille pas directement sur le fruit, mais sur le sol et la plante, de même pour développer l’intuition, il faut travailler sur la détente et la paix intérieure. L’agriculteur sait par expérience que pour obtenir de bons fruits, il ne doit pas forcer la nature, mais la suivre et l’aider dans sa tâche. Il ne peut pas tirer le grain pour le faire pousser plus vite, mais doit avoir une patience infinie pour le faire arriver à maturité. Il sait que ce n’est pas lui qui fait mûrir le fruit, mais il est parfaitement conscient des efforts quotidiens qu’il doit fournir pour que la nature accomplisse son action de la meilleure façon possible. Le praticien doit se comporter de la même manière. Toute tension physique ou émotionnelle éloigne l’objectif. Aller au-delà par excès de tension est la même chose que rester en arrière, dans les deux cas vous ne l’attrapez pas. Vous devez vous débarrasser de toute tension et concentrer votre attention sur les bons moyens et la bonne manière de le faire ; ce n’est qu’alors que vous développerez cette tranquillité qui garantit l’efficacité de l’effort, un beau jour le but sera atteint de manière totalement spontanée. Ce sera comme cueillir un fruit mûr, un prix naturel produit par l’union harmonieuse des cinq qualités de l’esprit (Volonté, Attention, Concentration, Conscience, Conscience), qui sont, métaphoriquement, comme les doigts d’une main qui, agissant ensemble, détachent le fruit mûr de l’arbre. L’attention se développe à partir de la volonté, et lorsque vous êtes « volontairement attentif », la concentration se développe. Lorsque vous êtes capable de vous « concentrer volontairement » sans interruption aussi longtemps que vous le souhaitez, vous développez alors une introspection si constante qu’un état de conscience plus profond émerge, produisant une nouvelle dimension d’expérience personnelle en parfaite harmonie avec notre source la plus authentique. Lorsque cela se produit, l’esprit s’ouvre à des connaissances d’ordre supérieur qui développent une véritable conscience. La fusion harmonieuse de ces cinq qualités d’esprit ouvre la porte à l’intuition pure et le Yi évolue en Shen.

Sensibilité pure

La pensée d’un esprit pur est une intuition pure. L’intuition pure est une perception pure. Et la perception pure est la sensibilité pure.

Développer la sensibilité demande un travail particulier sur le corps et l’esprit, en tant que balance très sensible vous devez être capable de percevoir les différences et les variations toniques de vos muscles et de vos états émotionnels. Sans cette capacité il n’y a pas d’apprentissage, pas d’évolution dans la capacité d’apprendre. La rigidité et l’utilisation excessive de la force suppriment la sensibilité, au contraire, la sensibilité et la légèreté affinent la perception de sorte que même une plume qui touche le corps peut être ressentie. Le corps entier, et en particulier les bras et les jambes, doit devenir comme des capteurs aigus qui gardent sous contrôle le milieu environnant et l’adversaire, détectant la moindre variation afin d’adapter parfaitement chaque action à la sienne. Si vous ne développez pas de sensibilité, vous devez apprendre à être rapide pour pouvoir parer ou esquiver une éventuelle attaque. Si, au contraire, vous avez une parfaite perception de ses mouvements, vous pouvez le précéder même avec un mouvement relativement lent. Très souvent, les techniques les plus spectaculaires cachent, dans la rapidité du geste, une mauvaise perception. Les vrais maîtres ne sont jamais spectaculaires, leur action est toujours parfaitement calibrée, peu ou rien ne transpire à l’extérieur, il semble lent à l’extérieur, mais à l’intérieur il est aussi rapide que l’éclair. Celui qui est lent d’esprit doit être rapide de corps.

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